mardi 6 décembre 2011

4/ MES AMIS EN SONT-ILS ?


Sur le réseau il y a cette fille qui parle toute seule.
C'est Sincity son pseudo.
D'abord, elle lance une insulte puis elle se répond ou complète par un commentaire.
Ça donne par exemple :
Message : Albert II, roi qui protégea la pédocriminalité.
Commentaire : Que son âme brûle en enfer !
Message : Albert II, toi aussi va te faire enculer, grosse tapette !
Commentaire : Je t'emmerde, salaud !
Message : Avis aux francs-maçons : moi aussi je vous hais.
Commentaire : Bande d'assassins !
Message : Crier "Allez tous vous faire enculer !" et mourir.
Commentaire 1 : Vous aussi, vous pouvez crever, charognes !
Commentaire 2 : T'es en colère !
Commentaire 3 : Non, ça se sent ?
Message : Je ne suis pas normale ? Je vous emmerde !
Commentaire : Ils adorent ça, ces connards !
Message: Je suis née ici, je suis Belge, j'ai droit au Respect.
Commentaire : Contre les pédés qui font des pipes aux nazis d'aujourd'hui.
Message : Maman, j'essaie d'être une pute, mais je n'arrive pas !
Commentaire : Que Dieu me pardonne !
Son père a été tué, à ce qu'elle dit, par l'état belge.
Sa colère est invariablement tournée vers la franc-maçonnerie, les réseaux pédophiles, les notables et le roi des belges.

J'ai envie de lui dire d'arrêter des fois. Que de parler tout le temps toute seule comme ça, c'est un peu... Pathologique.
Heureusement après ça je me demande toujours si le fait de discuter sans fin sur des sujets sur lesquels nous n'avons pas de prise, jusqu'à nous engueuler des fois, ce n'est pas tout aussi pathologique...

Un mec que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam m'a traitée de « bactérie qu'avait qu'à retourner dans sa boite de pétri » l'autre jour.
Tout ça parce qu'on était pas d'accord sur la nécessité de décroitre économiquement pour sauver la planète !

A la lecture de son mur, je pensais qu'on était du même avis sur pas mal de sujets. Mais là, il s'agissait de renoncer à son Smart Phone, à sa bagnole et à son steak. Il a bloqué net et a choisi de se fâcher.
L'engagement politique dans la vie de tous les jours est bien difficile !
Plus difficile que de s'insurger contre l'immoralité du capitalisme derrière son ordinateur.

Sur le coup, son agressivité m'avait un peu choquée.
Maintenant je trouve ça tellement dérisoire.
La planète n'est plus à sauver.
Son compte est bon.

Des fois, Sincity j'ai envie de lui dire qu'on est ses amis ici et qu'on l'aime. Mais je n'ose pas. Peut-être qu'elle est lesbienne...
Les messages écrits sont tellement vite mal interprétés.

On a inventé les smileys* pour ça justement.
Pour mettre du second degré dans l'expression écrite.
Mais même avec ça, y a encore des incompréhensions.
Les clins d'oeil amicaux peuvent être pris pour des clins d'oeil enjôleurs. Il suffit qu'elle soit désespérée et qu'elle tombe amoureuse de moi ! Je ne serais pas dans la merde...

Moi, c'est ce qui m'est arrivé il y a quelques mois.
Je suis tombée amoureuse.
D'un surfeur.
Sur le web.
Un comble, non ?
On a d'abord chaté* pendant des semaines. Le matin avant qu'il parte au travail, le midi pendant sa pause, en fin de journée et des fois la nuit.

Avec Lifebook, on sait si l'autre est disponible. On connait à la minute précise quand il a publié un article, une pensée ou s'il a accepté un nouvel ami. On sait s'il est devant un ordinateur fixe, ou s'il publie depuis son Smart Phone.

Pendant longtemps, je n'ai pas su qu'on pouvait cacher sa présence sur le réseau et empêcher qu'on entre à tout moment en communication par chat avec moi. Total, régulièrement des gens se mettaient à me parler.
Je trouvais ça un peu intrusif, mais en gros - à part les dragueurs à gros sabots - c'était pour me complimenter sur le choix de mes articles ou sur les commentaires que j'en faisais, donc je ne me plaignais pas trop.

C'est ainsi que mon surfeur est venu m'entretenir, d'innombrables sujets, dès qu'il me voyait en ligne...
Jusqu'à ce que je m'y attache.


< A suivre... >

* smiley : dessin extrêmement stylisé de visage employé pour exprimer des émotions = émoticônes  //  *Chater : bavarder par écrit sur Internet = clavarder